
Un artiste précoce
Discret, peu bavard, ce jeune homme au style pourtant très affirmé cache un artiste timide et précoce. Fraîchement diplômé d’un Bac L option arts plastiques, Ben vient de quitter son Angoulême natal pour une prépa Art à Paris, afin de préparer les concours des Beaux Arts. Né dans une famille d’artistes, il a toujours eu le goût et la passion de l’art. « Mon père Emile Biayenda est musicien, il joue de la batterie et des percussions dans le groupe Les Tambours de Brazza. Et mon grand frère marche sur ses traces. Enfant, je passais le plus clair de mon temps à lire ou aller à des expos, parce que mes parents m’ont toujours guidé vers l’art et la culture. », raconte-t-il.
Crédits : Adama Anotho
Passionné aussi bien par la peinture du XIXe siècle de Manet ou Matisse que par le cinéma de Djibril Diop ou Ousmane Sembène, Ben a su très tôt aiguiser son regard artistique et s’intéresser à beaucoup de domaines. « Vers l’âge de 14 ans, je tombe par hasard sur des magazines de mode. Je m’y intéresse, de fil en aiguille je commence à suivre des défilés et remarque rapidement qu’il manque vraiment de diversité.» Sans en prendre la réelle mesure, c’est de cette prise de conscience que va naître pour le jeune homme une volonté, si ce n’est un engagement, de donner une meilleure représentation de la femme noire à travers ses illustrations.
“Mes dessins expriment aussi bien ce qu’est la génération à laquelle j’appartiens que ma propre part de féminité. C’est le monde dans lequel je vis”
Réalisées à la peinture à l’huile sur des feuilles de canson A4, les illustrations de Ben Biayenda pourraient faire penser au street art que l’on a coutume de voir sur les barbershop en Afrique de l’Ouest, à ceci près que les comparaisons s’arrêtent là. En effet, ses illustrations décrivent des scènes de vies du quotidien de jeunes femmes afro-descendantes basées en Occident. A travers ses illustrations, le jeune homme dénonce tacitement une vision monolithique et clichée de la femme noire pour y préférer une vision moderne, avec davantage de justesse et ancrée dans la réalité d’aujourd’hui avec des thèmes tels que le #BlackLivesmatter, le #Bodypositive ou le besoin d’inclusion et représentation des communautés LGBTQ. “J’éprouvais le besoin de nous représenter, nous jeunes Noirs, avec un prisme différent de ce que l’on a l’habitude de voir. Mes dessins expriment aussi bien ce qu’est la génération à laquelle j’appartiens que ma propre part de féminité. C’est le monde dans lequel je vis”.
Instagram pour vitrine
Montrer ses illustrations aux yeux du grand public ? Ce n’était pas vraiment prévu . «C’est mon frère qui m’a fait découvrir Instagram quand j’avais 15 ans. J’ai vu qu’il y avait toute une communauté et de nombreuses personnes qui postaient leurs créations, alors j’en ai fait de même. » explique t-il. C’est par ce réseau social qu’il commence à se faire connaître malgré lui. Les retombées s’avèrent positives, son travail suscite de l’admiration au point de recevoir plusieurs sollicitations d’interviews, de collaborations ou même d’expositions. Bien plus qu’un simple réseau social, Instagram se révèle être une véritable vitrine pour l’artiste qu’il est. En à peine un an, Ben Biayenda cumule déjà près de 16 000 abonnés sur son compte Instagram avec en moyenne 1 000 likes sur chaque post. En partageant ses illustrations, non seulement cela lui permet de créer une conversation avec sa communauté, d’être vu d’un public averti mais également d’asseoir sa propre identité artistique et de créer son réseau. “J’ai gagné en visibilité et notoriété, mais surtout en confiance en moi. Je crois maintenant en ce que je fais.”, dit-il modestement.
“Avec mon crayon pour seule arme, je veux contribuer à changer le regard et sortir les esprits de l’ignorance. Si on ne le fait pas, qui le fera ?”
Négritude et activisme pour toile de fond
Métis franco-congolais, Ben reconnaît qu’il vit un véritable retour aux sources et à sa culture africaine depuis 3 ans, avec des questionnements autour de l’identité. «En France, il y’a un vrai attachement aux couleurs. C’est simple, soit tu es noir soit tu es métis. Au lycée, certains de mes profs ne comprenaient pas mon désir de travailler sur des thèmes autour de la culture noire. Ils me disaient “Mais pourtant tu n’es pas noir!”. Aujourd’hui, il y’a même des gens qui veulent me faire culpabiliser de ne dessiner que des femmes noires en m’accusant de racisme inversé. Pourtant, il y’a des tas d’artistes qui n’ont dessiné que des femmes blanches toute leur carrière et personne ne leur a jamais posé la question. C’est un choix personnel que j’assume totalement.”
Biberonné par les travaux de l’auteur nigériane Chimamanda Ngozi Adichie ou encore de l’artiste américaine Lorna Simpson, le jeune homme se considère comme un afro-féministe pour qui, il est tout aussi important de parler des intersectionnalités que de thèmes comme le bodyshaming ou la réappropriation culturelle. «Quand j’entend la chanson “The Blacker The Berry” de Kendrick Lamar ou “Formation” de Beyoncé, il s’agit aussi bien de revendications que de célébrations de la communauté noire. Même à mon échelle, avec mon crayon pour seule arme, je veux contribuer à changer le regard et sortir les esprits de l’ignorance. Si on ne le fait pas, qui le fera ?»
E-shop : Benbiayenda.tictail.com
Instagram : @benbiayenda
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