
Représentée par 4 agences internationales, la top modèle sénégalaise Amy Faye rayonne de mille feux sur les podiums et dans les campagnes pub des marques. Expérimentée et avertie, elle nous explique les facteurs clés du succès dans le milieu du mannequinat.
Discrète et réservée, c’est dans les couloirs de l’aéroport de Casablanca que nous rencontrons Aminata Faye. Casquette visée sur la tête, écouteurs dans les oreilles et ordinateur portable devant elle, la jeune femme rentre sur Dakar après 5 jours de défilés intense lors du FIMA 2018 à Dakhla. Déjà plus de 9 ans, que la jeune femme balade sa silhouette longiligne pour les plus grandes marques du monde. De Tongoro, à Sophie Zinga en passant par Balmain ou encore Guy Laroche, celle qui a abandonné une carrière dans le monde de la finance pour suivre le chemin du mannequinat nous raconte son parcours et sa vision du métier.
Crédit photo : Tongoro
« Au début c’était difficile, j’aurais pu décider d’arrêter et de me consacrer à mon diplôme en finance plutôt que de galérer. Mais j’étais dedans, j’aimais ça et j’avais l’envie de bien faire. »
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Aminata Faye, j’ai 29 ans et je vis à Dakar au Sénégal. J’y ai grandit et fait mes études, en l’occurrence un master en banque et en ingénierie financière.
Comment passe-t-on d’un master banque au mannequinat ?
Je faisais les deux en même temps en plus du volley. Comme j’avais un bon niveau au volley, je faisais sport – études et jouais dans l’équipe nationale. Le futur je le voyais soit dans un métier dans la finance ou en tant que joueuse pro de volley. Le mannequinat s’est ajouté après, dès lors que j’ai participé au concours Elite Model Look en 2010. C’est là que je me suis dit pourquoi ne pas essayer de tenter ma chance. Mais je restais toujours dans l’optique que si je devais choisir entre les 3 ce serait les études d’abord… Mais bon c’est Dieu qui sait. Après avoir fini mes études j’ai eu la chance d’être signée en agence à Paris et de démarrer une carrière internationale entre Paris – Dakar et New York.
Comment le mannequinat est arrivé dans ta vie ? Etait-ce un rêve de jeune fille ?
Non pas du tout. J’étais tout le contraire du mannequin type parce que j’étais plutôt garçon manqué, très sportive et les trucs de beauté c’était justement pas trop mon truc. D’ailleurs, mon look n’a pas vraiment changé depuis : en dehors des podiums, c’est jean, t-shirt et basket ou short-débardeur. En fait, c’est une amie de mon frère qui me trouvait très jolie et a beaucoup insisté pour que je m’inscrive au concours Elite Model Look. J’ai dit Ok tout en n’étant pas très motivée. C’est elle qui m’a inscrite et accompagné le jour du concours pour être sûre que j’aille au casting. C’était la première fois que je marchais avec des talons (Rires). J’ai été pré-sélectionnée pour la grande finale du Sénégal que j’ai remportée et après je suis allée en Chine pour représenter le Sénégal au niveau mondial. A mon retour je me suis dit pourquoi ne pas continuer en job étudiant. Quand je fais les choses, j’aime bien les faire. J’apprenais beaucoup en regardant comment les gens défilaient. Et puis mon background de sportive aidant, j’ai amené cette discipline que j’ai connu dans le sport dans le mannequinat.
En quoi consistait concrètement cette discipline ?
C’est tout simplement être constante, respecter le travail en tant que tel, les horaires, le designer, les consignes que l’on te donne, apprendre les chorégraphies. Ce sont des choses assez basiques en fait pour moi, mais je me suis rendue compte que ce n’était pas forcément facile et naturel pour les autres. Moi, c’est mon background de sportive qui m’a aidé. Ensuite, j’ai commencé à aimer cet univers. En 2014, j’ai fait à la recherche de la Nouvelle Top et j’ai gagné également. C’est comme çà que j’ai été signée ensuite en agence.
Crédit photo : Tongoro
A ce moment tu décides de te consacrer uniquement au mannequinat. Pourtant tu adores le volley, ce n’était pas trop dur d’abandonner la pratique ?
Je joue toujours au volley quand je rentre sur Dakar, je suis même en club. Tu sais, ici le statut de professionnel n’existe pas réellement, les clubs n’ont pas les moyens de te payer à faire que du volley, du coup c’est un peu en amateurisme. Donc je peux faire partie de la sélection nationale si y’a des grandes compétitions. C’est vrai que ces 2 dernières années je n’ai pas beaucoup joué car j’étais entre plusieurs avions, mais j’essaie de garder la main.
Et pour la carrière en finance, quelle a été la réaction de ta famille?
Au début ce n’était pas facile, ma mère me demandait souvent quand est-ce que je déposais mon CV pour un vrai boulot en entreprise. Je lui disais que je ne pouvais pas, je n’étais pas stable avec tout mes voyages. Après ils ont vu que je m’en sortais bien et ils m’ont laissé faire.
Une fois signée en agence, ta carrière a décollé très vite.Tu es passée de marques sénégalaises comme Tongoro, Diarrablu, Sophie Zinga à des marques internationales telles que Balmain, JP Gaultier, Guy Laroche.
En fait, c’était progressif, petit à petit. Le mannequinat demande une certaine discipline mais aussi de la patience. Des fois, certaines filles pensent que tout va arriver d’un coup mais c’est rare, il faut travailler, être constante et ne pas baisser les bras. Au début c’était difficile, j’aurais pu décider d’arrêter et de me consacrer à mon diplôme en finance plutôt que de galérer, mais j’étais dedans, j’aimais ça et j’avais l’envie de bien faire. Dès que je pouvais, j’allais sur Paris pour tenter ma chance pour les défilés de la fashion week, des fois ça marchait et des fois non. C’est comme ça que j’ai fait un casting pour Balmain, qu’ils m’ont repérée et que j’ai commencé à défiler pour eux. Quelques années plus tard, c’était Jean-Paul Gaultier, Guy Laroche. Faut vraiment être patiente et persévérante sinon ce n’est pas possible car c’est un métier dur.
On a du mal à s’imaginer que le métier de mannequin soit dur. Quelles sont les difficultés de ce métier ?
Tu ne peux pas rester chez toi et puis on va t’annoncer que tu vas défiler pour Jean-Paul Gaultier. C’est le résultat des heures et des heures de casting que l’on ne peut pas forcément montrer. Mais ce que le mannequin a dû endurer pour en arriver là où il en est, il n’y a que le mannequin qui peut te le dire. Il y’a des dizaines et des dizaines de castings à faire par jour pour avoir au moins 1 show. Certaines vont faire des castings sur casting et ne rien obtenir à la fin, c’est vraiment au mental que la différence se fait car il faut se dire que le designer cherche un profil type et que si tu ne corresponds pas à ce qu’il cherche pour cette collection, il ne faut pas le prendre personnellement sinon on se pose des questions, on pense que quelque chose cloche chez soi, le doute et la déprime s’installent et c’est pas top.
Credits : Tongoro
Comment fais-tu pour garder un bon équilibre de vie avec ce rythme un peu fou entre les castings et les voyages ?
J’ai la chance d’être bien entourée notamment lorsque je viens sur Paris où je peux y retrouver mon frère, cela aide beaucoup de savoir que ta famille et tes amis sont là pour toi. Ensuite, je pense que mon âge a aidé. Quand j’ai commencé j’avais déjà la tête sur les épaules. Si ça ne marchait pas j’avais déjà mon diplôme en poche, alors qu’une fille de 18 ans qui n’a pas fini ou fait d’études ce n’est pas le même état d’esprit. J’étais en mode “si çà marche pas tanpis” et pas “il faut coûte que coûte que ça marche”. Le fait de faire deux mois sur Paris et revenir à Dakar chez moi m’aide beaucoup. Si je m’étais installée à Paris cela aurait été plus dur mais là ça va, j’ai la chance de rentrer chez moi, voir mes parents, me reconnecter et me ressourcer. Je viens à Dakar, je prend tout ce qu’il y a comme énergie positive, ensuite je suis blindée et j’y retourne.
Selon toi, comment évolue la mode africaine ?
Je pense que cela avance bien ! Ne serait-ce que de voir toutes les boutiques qui se lancent et le fait qu’il y ait de plus en plus de marques qui arrivent à s’exporter, on voit que la donne est en train de changer et ça motive la jeunesse.
Quelles sont tes ambitions ou projets ?
J’aimerais être encore dans le métier, faire des couvertures de magazine, avoir plus de visibilité au niveau international. J’essaie aussi de voir comment je peux aider et faire profiter aux jeunes mannequins de mon expérience et ce que j’ai appris ici. Parce que j’ai eu la chance de voyager, travailler avec des grandes maisons de couture et des grands photographes, je veux faire bénéficier de cette expérience et la partager.
Quels sont les 3 mots qui te caractérisent le plus ?
Réservée, têtue et folle !
Un dernier mot ?
Je reçois beaucoup de messages de jeunes qui aimeraient devenir mannequin et me demandent s’ils ont le profil. J’aimerais leur dire ceci : Cela peut sembler cliché mais ce n’est pas à moi de leur dire s’ils ont le profil ou pas. En réalité, c’est à personne d’autre de le leur dire. Le mannequinat ce n’est pas une science exacte. C’est vraiment un truc aléatoire qui va et qui vient. Tu peux plaire à un designer et ne pas plaire à un autre. Ce que je leur conseille s’ils veulent devenir mannequin c’est de bosser car ce n’est pas un métier facile et que le succès ne va pas arriver du jour au lendemain. Il faut savoir aussi saisir les opportunités à temps, mais ne jamais laisser une personne leur dire “tu peux faire ceci ou tu ne peux pas faire cela” chacun sa personnalité, chacun son destin, personne ne peux venir te dire que tu ne peux pas le faire et tu ne dois en aucun cas accepter cela. Je ne peux pas le concevoir ! A partir du moment ou tu le veux, toi seul sais ce dont tu es capable mais aussi tes limites et ton esprit de dépassement. Si toi tu veux réussir dans ce milieu et que tu sais que tu peux réussir, fais ton maximum et ne laisse jamais personne te dire que tu n’as pas le profil ou que tu ne peux pas le faire.
Instagram : @amyafaye
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